Des rives atlantiques

Depuis 2020, je travaille régulièrement avec Le.sas-Culture à Rochefort sur Mer
Résidences, partage, expositions et ateliers.

Avec cette résidence d’artiste, il ne s’agit plus de présenter un travail en collaboration mais d’entrer au cœur de sa démarche artistique, qu’elle consacre au paysage des milieux naturels. Car sur dix ans également, cette durée longue où se forgent les savoir-faire et se sédimentent les convictions, Julie Boileau a construit un parcours photographique singulier, centré sur la forêt sans délaisser toutefois sa terre charentaise originaire.
C’est précisément cette ambivalence que la résidence se propose d’explorer. Derrière l’apparente confusion que Julie Boileau instaure entre ces deux espaces si éloignés, l’un dominé par une forêt dense et presque impénétrable, l’autre façonné par le balancement immuable des marées, se révèle la même attraction du paysage, où la figure humaine disparaît sans jamais s’y perdre, pour s’y confondre intensément.

François Rochon Saint-Aubert, Le.sas-culture, directeur artistique

TOTEM - TORNADE - COURANT - CHEMIN - RONCES

UNE RIVE

Il y a longtemps que nous ne fêtons plus la Mer ici.
Est-ce une bouderie ?
La Mer nous aurait-elle vexé ? Ou sommes-nous lassés des fleurs multicolores à jeter aux amours perdus ? Pourtant, j’aimais le temps joli d’une journée pour la grande architecte du village. La fête de la mer comme celle de la mère. Tous les yeux des villageois vers l’océan, tous leurs cœurs embarqués au large, près des forts.
Oui, j’y tiens, la Mer, les marins, les anguilles et les vents, nos bouderies maritimes devraient encore faire l’objet d’une célébration. Comme Napoléon, en plus naturel.
Nous devrions encore un jour par an, un jour d’été chaud, ne regarder qu’elle.
La Mer. L’Élément salé, l’Identité, nos caractériel.les, nos tanné.es, nos botté.es, l’étendue de nos inquiétudes, les retours de marées avec chalands dégoulinants sur bitume, celle qui nous a tant donné comme les huîtres des Papis, la Mer, nous devons encore la fêter.

L'AUTRE RIVE

La Mer chaude, 27 degrés au minimum. Ça ne rafraichît pas du tout !
C’est un bouillon, un voyage, un spectacle, des alluvions amazoniens, des poissons très bizarres comme unpetit avec des gros yeux et des pattes ; c’est un tableau.
La mer de l’équateur a un autre visage.
Elle abrite requins, dauphins, mérous anciens ; paraît bleue ou ocreselon heure et humeur. Elle titille la mangrove qui se bat pour rester à sa place et mène les nuages lourds de pluie vers la forêt. Elle ne se fait pas d’amis. Elle est.
Attention ! Les courants emmènent à mille lieux du phare et ses vagues préfèrent transporter cocos et graines colliesques que ces bateaux d'humains délirants pour elle. Oui un peu de plage, parfois.
Mais c’est vrai, certains amoureux des vents la surfent sans se soucier de cette indocilité ; des pêcheurs pêchent le «gros» et les Îles du Salut, rocs de l'Histoire française vaseuse, défendent à elle seule la cause des baigneuses.
Je la fête ici moi, la Mer. C’est le lieu de l’horizon, c’est la lumière. Sauvage.

«Le 23 septembre 2020, entre 16h25 et 16h55 locales, une tornade d’intensité modérée (bas de l’échelon EF2), issue d’une trombe marine, touche terre d’abord sur l’île d’Oléron, puis à Port-des-Barques, enfin sur la rive droite du fleuve Charente en direction de Saint-Laurent-de-la-Prée.
Le phénomène, abondamment illustré et vu de très nombreux témoins, provoque des dégâts importants et blesse plusieurs personnes.»
Keraunos, Observatoire français des tornades et orages violents.

La tornade est un phénomène naturel rare, dont la puissance démesurée balaye tout sur son passage : végétal, humain, animal, mais aussi infrastructures. Un tel évènement météorologique marque toujours la mémoire de ceux qui l'on croisé, comme le territoire traversé qui en conserve longtemps le tracé.
Bien que "modérée", la tornade survenue à Port des Barques n'en reste pas moins un de ces moments de grande intensité, où la nature se rappelle aux humains, soudains dépassés. Derrière le risque et les dégâts matériels se révèle la modestie de notre présence sur terre. Même ici, dans l'estuaire tranquille au milieu des marais de Charente-Maritime, une tornade peut naître.
Elle bouscule à sa manière notre rapport au monde.

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