Julie Boileau

Les yeux qui s’ennuient

En ville mes yeux s’ennuient.
Bien que les lieux soient remplis de matière ; d’objets fixes et mobiles, de messages gros, petits, colorés, choquants, mignons ; qu’ils soient saturés d’humains tous différents, et que ces êtres soient au courant de bien des choses, qu’il théorisent, qu’ils racontent…mes yeux s’ennuient.

Je vois mais rien ne m’accroche plus d’un instant. Mes yeux cherchent désespérément quelque-chose à se mettre sous la dent, un mouvement qui pourrait les surprendre, un corps dont la logique de déplacement n’est pas induite ou un comportement qui les ferait trépigner d’impatience. Mais non. Quelle tristesse quand tout s’explique.
Et mes pupilles résignées en croisent d’autres qui s’ennuient de même et depuis longtemps. Ces yeux là ont sauté dans le vide faute d’avoir matière à dévorer. Ces mirettes sont zombiesques, habituées à regarder trop proche, accrochées à ces objets "substituts de surprise" qui s’amassent. Dans l’espace citadin, ces quinquets ont perdus leur fonction de récepteurs à joie, de chercheurs d’horizons, de portes ouvertes pour l’extérieur qui alimentaient autrefois la machine créative.

Pour ne pas finir anthropophage de l’énergie, je repense à l’apparition d’un oiseau, et plus précisément à l’attente passionnante et non garantie du volatile en question.
Ha ! Dans ces moments là, les yeux sont contents et la patience sans limite. Quand tout d’un coup les paupières tressaillent, qu’un mouvement imperceptible accroche le regard qui cherche encore, à l'affût, un indice coloré qui pourrait l’aider à reconnaître la bête sauvage, à la nommer pour enfin l’aimer.

Using Format